« Je continue à photographier des lieux »

Difficile de mesurer la durée de sa peur avec un appareil photo.

Si le monde avance ainsi, alors c’est un repli sur soi.
Difficile de raconter ce parcours, accompagné d’une mère qui vous aime plus que tout.
 Difficile de le dire lorsque, par l’ordre des choses, le chemin doit changer.
 Difficile de constater que des lunettes non mises à jour vous laissent croire, par le flou, que votre visage est resté le même.
 
Comment tout rassembler lorsque la foi du faux ne dit pas la vérité,
 et que seul le temps dévoile son contraire, sans indulgence ?
Un enfant nourri par la chaleur d’un père aimant et d’une mère adorable se retrouve un jour seul.
 Seul à déterminer un chemin de vie difficile, dans l’impossible à comprendre.

J’arrive à un âge où le bilan de mon chemin doit affronter le parcours vécu, souvent imposé, souvent assumé par les événements.

Comment imaginer un frère de six ans disparu il y a cinquante ans ?


Comment aurait-il grandi s’il était vivant ? 

Comment son corps s’est-il défait, tué par un autre être ?

Dois-je haïr mon esprit qui avait promis à notre mère de le retrouver un jour, sans jamais y parvenir ?

Je me demande comment tant de choses prennent de la valeur,
 alors que certaines pertes n’en ont pas de mesure.

Devant moi, une mère s’éloigne du monde,
 mais reste attachée à l’absence d’un enfant.
Je ne suis pas en colère.
 Je suis usé.
 Usé par ce qui ne se dit pas,
 par ce qui dure,
 par ce qui ne trouve jamais de réponse et je continue à photographier des lieux, mes lieux, nos lieux.

A. Romano 

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